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Comment ne plus souffrir de la stigmatisation

« Tu es borderline, … alcoolique, drogué … pervers narcissique … incompétent… »

Quand on ose l’aborder en psychothérapie, le « stigmate » peut devenir un levier thérapeutique puissant s’il est abordé comme sujet de réflexion et de travail sur soi plutôt que simplement décrit comme un aspect social négatif. Le concept de stigmate permet d’introduire un protocole d’autonomisation du patient qui passe de la réflexion « je suis le problème » à « je vis dans un contexte stigmatisant et j’apprends à me protéger, me définir et agir autrement » ce qui assure la restauration de l’estime de soi

La restauration de l’estime de soi fondée sur l’exploitation du stigmate comprend plusieurs étapes :

Première étape clarifier et nommer le stigmate

Le stigmate est un attribut qui « disqualifie » socialement (maladie mentale, conduite addictive, appartenance minoritaire, etc.) et altère l’identité sociale du sujet. Le thérapeute explore avec le patient quels « marquages » il perçoit : ce que les autres lui renvoient (stéréotypes, préjugés, discriminations) et ce qu’il s’approprie lui‑même comme étiquette (« je suis fou », « je suis dangereux », « je suis nul »

Travailler la dimension de honte et d’identité

Le concept de stigmate permet matérialiser le sentiment de honte. Au lieu de dire « je suis mauvais », on peut proposer une phrase alternative comme « je suis porteur d’un stigmate dans tel ou tel contexte », ce qui déplace une partie du poids de l’individu vers le système social. En psychothérapie, on travaille su l’« identité abîmée » (spoiled identity), et sur ce qui reste digne, désirable et porteur de valeur au‑delà du regard social, en s’appuyant sur les ressources personnelles et relationnelles de la personne.

Distinguer les niveaux de stigmate

Aider le patient à repérer :

  • le stigmate public (stéréotypes et peurs des autres),
  • le stigmate structurel (obstacles institutionnels, lois, organisation du travail),
  • et surtout l’auto‑stigmate (honte intériorisée, auto‑dévalorisation).

Cette différenciation permet un travail ciblé : restructuration cognitive pour l’auto‑stigmatisation (travail sur les schémas précoces inadaptés et les croyances invalidantes), autonomisation et affirmation de soi pour le stigmate public, accompagnement dans les démarches (droits, aménagements) pour le stigmate structurel.

Utiliser le modèle en TCC et Thérapie des Schémas de Young

En TCC, le terme « stigmate » sert de cadre pour identifier les schémas responsables des croyances dévalorisantes liées au dénigrement social (« les gens comme moi sont… »), ainsi que les émotions associées (honte, peur du rejet) et les stratégies d’évitement (isolement, non‑recours aux soins), puis les remettre en question.

Dans une perspective plus narrative ou psychodynamique, le concept aide à reconstruire un récit de soi qui replace le symptôme ou l’étiquette dans une histoire de vie marquée par des rapports de pouvoir, plutôt que comme essence de la personne.

Travailler la gestion du dévoilement

Le cadre de Goffman sur « disqualifié » vs « disqualifiant » (stigmate visible ou caché) est très opérant pour aider le patient à réfléchir stratégiquement à la question du dévoilement (au travail, en famille, en Église, etc.). Le thérapeute peut ainsi accompagner des décisions graduées : à qui dire quoi, quand et comment, en évaluant les risques et bénéfices psychiques et sociaux, plutôt que de rester dans le tout‑caché ou le tout‑dévoilé.​

Passer de la stigmatisation à l’affirmation de soi

Utiliser le langage du stigmate permet enfin d’introduire des dimensions d’’autonomisation grâce au travail thérapeutique: reconnaissance de l’injustice, normalisation du vécu, inscription dans des collectifs (pairs, associations) qui redonnent fierté et capacité d’agir.

La psychothérapie crée l’espace où le patient passe de « je suis le problème » à « je vis dans un contexte stigmatisant et j’apprends à me protéger, me définir et agir autrement », mouvement central pour la restauration de l’estime de soi et de la participation sociale.

Pierre NANTAS

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